L'enquête qui sera diligentée après le spectaculaire incendie qui a frappé le Fremantle Highway pourra peut-être cerner l'origine du sinistre. Mais la présence à bord de 498 véhicules électriques sur un total de 3 783 voitures transportées, les dégagements de fumées extrêmement épaisses et toxiques et le témoignage direct auprès des autorités d'un membre d'équipage laissent peser une forte présomption d'incendie spontané sur l'un des véhicules électriques transporté. À confirmer bien sûr, mais ce sinistre majeur, qui va entraîner la perte totale du chargement et probablement du navire, en rappelle un autre, celui du Felicity Ace.
Au large des Açores le 16 février 2022, un incendie se déclare à bord alors qu'il est chargé de 4 000 véhicules de luxe du Groupe Volkswagen (Bentley, Porsche, Audi, Lamborghini) en partance pour les États-Unis. Elles n'arriveront jamais, le Felicity Ace a sombré à la suite d'un déséquilibre au cours du remorquage, causant une perte de 155 millions de dollars pour Volkswagen, sans parler du bateau.
Instruits de ce précédent qui a déclenché un contentieux aux assurances historique, les sauveteurs du Fremantle Highway procèdent avec de grandes précautions afin de ne pas ajouter au désastre une coûteuse catastrophe écologique. Les observations faites indiquent bien qu'il s'agit probablement d'un « emballement électrique » des batteries lithium à l'origine du sinistre, le propriétaire du navire Shoei Kisen Kaisha déclarant lui-même à la chaîne de télévision néerlandaise NOS ses fortes présomptions.
Pas plus de sinistres que les thermiques
Pourtant, même si Internet regorge de vidéos d'incendies de voitures électriques, les autorités relayées par les assureurs, dont AXA en France, ne font pas état d'un nombre de sinistres plus élevé que pour les thermiques. L'organisme américain de sécurité des transports NTSB, cité par notre confrère Gocar, a relevé, pour 100 000 voitures, 3 457 incendies de voitures hybrides, 1 529 de voitures thermiques et… 25 d'électriques.
Mais précisément, les bateaux en question transportaient aussi des hybrides, sachant que, dans tous les cas, c'est la batterie au lithium, très chargée en énergie, qui défaille. Et comme les batteries sont constituées d'une multitude de cellules accolées, il suffit que l'une d'entre elles surchauffe pour propager ce coup de chaud aux autres, provoquant en chaîne un violent incendie, sans commune mesure avec celui d'un véhicule thermique.
Les pompiers, à la suite des dépanneurs, ont suivi une qualification particulière et appliquent déjà des procédures d'intervention spécifiques aux véhicules électrifiés. Mais ils savent que ce type particulier d'incendie est quasi impossible à éteindre en raison de cet effet d'emballement qui fait reprendre le foyer qu'on croyait maîtrisé. Les observations faites sur le Fremantle Highway relèvent des ponts supérieurs entièrement ravagés par les flammes, de la proue à la poupe, et de la propagation très rapide d'un sinistre impossible à circonscrire avec des moyens classiques. Et voilà pourquoi.
Constat peu aimable
Tesla lui-même, instruit du danger particulier lié à ses voitures, a rédigé un guide d'intervention pour les pompiers. Il y est notamment indiqué que, pour vraiment éteindre un de ses véhicules embrasés, il faut le plonger durant 24 heures dans un container d'eau qui évitera les reprises de feu. D'où l'idée de concevoir des bateaux de transport avec un étage inondable sous la ligne de flottaison pour les véhicules électrifiés. Sage précaution lorsqu'on sait que Tesla évalue entre 11 350 et 30 300 litres la quantité d'eau nécessaire pour maîtriser un tel brasier et l'emballement thermique qui peut perdurer.
Cela pose une question cruciale : même si les sinistres sont rares, est-il raisonnable de laisser les véhicules électrifiés se garer à l'intérieur des bâtiments ? Les effets produits seront identiques à ceux constatés sur les bateaux incendiés, où on a relevé hélas une victime. Cela pourrait être beaucoup plus grave avec des dégagements de fumées très épaisses dans un immeuble où rejouer la tour infernale n'est sans doute pas une expérience à tenter. Un constat peu aimable non pas pour la voiture électrifiée, mais pour la technologie des batteries lithium, bien connues sur nos tablettes et smartphones et qui gagneront à être remplacées dès que possible. En attendant ce changement pour une technologie plus paisible, la voie réglementaire apparaît incontournable afin d'éviter une catastrophe en ville, dans un parking couvert, un immeuble ou un tunnel.