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UCIL - LOCALTIS : Rapport Cour des Comptes sur gestion des déchets ménagers.

Selon un nouveau rapport de la Cour des comptes sur la prévention, la collecte et le traitement des déchets ménagers publié ce 28 septembre, le pilotage de cette politique reste “insuffisant” pour atteindre les objectifs de réduction du volume d'ordures ménagères. De la prévention au traitement, la transformation du dispositif opérationnel doit être accélérée pour aller vers l'économie circulaire, estime la Cour.

Onze ans après un premier rapport qui pointait déjà de nombreuses lacunes dans la gestion des déchets ménagers, la Cour des comptes a publié ce 28 septembre un nouveau rapport sur la prévention, la collecte et le traitement des déchets ménagers dont le titre – "Une ambition à concrétiser" – donne une idée du chemin qui reste à accomplir en la matière. Malgré un profond remaniement du cadre législatif et réglementaire, notamment à travers la loi Agec, en vue d'instaurer une économie dite “circulaire”, considérant les déchets comme des ressources réutilisables et hiérarchisant leurs modes de traitement, la Cour constate que plusieurs besoins d'amélioration qu'elle avait déjà signalés en 2011 restent à réaliser.

Stagnation du volume de déchets produits

Elle note d'abord que le volume d'ordures ménagères produit par habitant (583 kg en 2019) peine à diminuer. Son niveau est quasi stable sur la dernière décennie alors que la France s'est fixé comme objectif de réduire la production de déchets ménagers et assimilés (DMA) à 501 kg d'ici 2030 – soit une baisse de 15% par rapport à 2010 qui ne sera atteinte "qu'au prix d'une accélération forte de la tendance actuelle", prévient la Cour. Au regard des principaux indicateurs (quantité de déchets produite, recyclage, élimination), le pays se situe aujourd'hui en-deçà des performances de la moyenne européenne et plus loin encore des États membres les plus avancés (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, pays scandinaves).
De sérieux progrès restent à faire car la part non triée des déchets ménagers, soit les ordures ménagères résiduelles (OMR) qui sont jetées en vrac dans le bac tout venant, représente encore 249 kg par an et par habitant. "Or, 80% des OMR collectées en France, en particulier les déchets organiques et ceux relevant d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), pourraient faire l’objet d’une valorisation adaptée à leur nature si elles étaient triées par les usagers et orientées vers leurs filières de traitement spécifiques", souligne la Cour.

Des acteurs pas assez coordonnés

Selon elle, la réduction des déchets est "contrariée par un pilotage insuffisant". Elle pointe d'abord l'insuffisante coordination des acteurs. À partir des normes européennes, l'État fixe le cadre législatif et réglementaire dans lequel figurent les objectifs chiffrés de réduction et de traitement des déchets, assortis d'une échéance.
Ces orientations sont mises en œuvre par le service public de gestion des déchets (SPGD) exercé par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui n’assument, généralement en direct, que la compétence “collecte” et délèguent la compétence “traitement”, le plus souvent, à des syndicats intercommunaux, parfois de niveau départemental, rappelle la Cour. Pour assurer la déclinaison des objectifs législatifs nationaux au niveau local et la continuité entre prévention, collecte et traitement, "une programmation efficace est donc nécessaire", insiste-t-elle. Or, selon le rapport, "ni la programmation nationale, ni les plans régionaux, qui ont vocation à coordonner les actions entreprises à l’échelle des territoires mais qui demeurent insuffisamment précis et contraignants sur les investissements, ni les programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA), qui peinent à se généraliser et à s’articuler avec l’action des syndicats de traitement, ne s’avèrent à la hauteur des défis à relever." Sur ce point, la Cour recommande donc d’"améliorer la planification par l’unification de la programmation nationale et l’adoption d’un programme de mise en œuvre spécifique par EPCI".

Besoin de tableaux de bord synthétiques de suivi

Comme en 2011, elle constate aussi que le dispositif de suivi est "toujours défaillant". "La prévention et la gestion des déchets nécessitent en premier lieu un recueil et une présentation des données pertinentes afin d’orienter l’action publique. Or, les indicateurs réglementaires actuels, à la fois trop nombreux et publiés trop tardivement par l’Ademe à partir de données locales incomplètes, ne parviennent pas à jouer ce rôle", relève-t-elle. Elle estime donc que les indicateurs devraient être recentrés sur des tableaux de bord synthétiques regroupant les principales données utiles. Ces tableaux de bord annuels devraient être produits par chaque observatoire régional pour les EPCI de leurs territoires, à partir de comptes-rendus annuels locaux simplifiés et par chaque éco-organisme. Consolidés à l’échelon national, ils reprendraient un indicateur-clef pour chacun des six principaux thèmes (prévention, production, financement incitatif, collecte, valorisation, élimination) présentés sous la forme d’un graphique comparant la trajectoire visée et la trajectoire réelle constatée.

Financement pas assez incitatif

Autre grief formulé par la Cour : "un financement peu lisible et trop faiblement incitatif". "Les DMA représentent 12% de l’ensemble des déchets produits en France, mais mobilisent 61,5% du total des dépenses correspondantes, qui s’élèvent à 15,9 milliards d'euros. De plus, ces dépenses augmentent de manière continue (+ 4,3% par an au cours des 20 dernières années)", note-t-elle. Elles sont financées par la fiscalité ou la tarification locale à hauteur de 81,5%, par les filières à responsabilité énergie des producteurs (REP), qui sont aujourd'hui une vingtaine en France, à hauteur de 10% et plus marginalement par la vente des produits du traitement et par des subventions de l'État via l'Ademe. La Cour regrette une nouvelle fois que la part financée par l'usager soit “insuffisamment incitative”. "La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) fondée sur la valeur locative immobilière, et non sur la quantité de déchets produits, reste en effet largement majoritaire et ne décroît que lentement“ tandis que ”la tarification incitative (taxe ou redevance d’enlèvement des ordures ménagères), qui devait concerner 15 millions d’habitants en 2020 selon le code de l’environnement (art. L. 541-1), n’atteint aujourd’hui que 6 millions de personnes", constate-t-elle. Si, en France comme à l'étranger, la tarification incitative a montré son efficacité dans la réduction des tonnages collectés et des coûts de gestion, les collectivités chargées de la mettre en œuvre lui reprochent d'être "à la fois complexe, coûteuse dans sa gestion et aléatoire dans son produit", reconnaît la Cour qui juge qu'une "nouvelle étape est aujourd'hui nécessaire pour encourager les EPCI à l'adopter". La Cour recommande donc d’accentuer les aides au démarrage de la tarification incitative, en allégeant le coût de sa mise en place, en portant la part du financement extérieur à 80% du surcoût. Ces aides ponctuelles pourraient prendre la forme par exemple de subventions directes (fonds chaleur et fonds économie circulaire gérés par l’Ademe) ou d’une atténuation supplémentaire des frais de gestion.
Le financement du service public doit aussi être adapté aux spécificités territoriales. Ainsi, "les surcoûts causés par la fréquentation doivent être mieux pris en compte pour permettre un financement équilibré entre les usagers du service public habitants et touristes", avance la Cour. Pour cela, elle recommande d'instaurer une surtaxe à la taxe de séjour dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets.

Place trop “marginale” des actions de prévention

La deuxième partie du rapport porte sur le dispositif opérationnel dont la transformation vers l'économie circulaire est "à accélérer". Pourtant affichée dans la loi comme la priorité, la prévention reste le “parent pauvre” de la gestion de la gestion des déchets, pointe la Cour, en constatant sa place “marginale” dans les actions des éco-organismes et des collectivités territoriales, les deux principaux acteurs chargés de la prise en charge des déchets.
"Les collectivités territoriales ne consacrent qu’environ 1% du coût total du service public de gestion des déchets (SPGD) à la prévention, et ce ratio évolue peu depuis 2015, constate la Cour. Leurs actions sont souvent limitées à une sensibilisation des citoyens en faveur des gestes de tri, qui touche une population réduite et dont les résultats ne sont pas quantifiés." Même si ces actions de communication sont jugées "essentielles pour que le citoyen devienne un consommateur et un trieur averti", "l’éventail d’actions de prévention locales plus opérationnelles et ambitieuses peut être élargi avec, notamment, des formes concrètes d’éco-exemplarité comme la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’encouragement des réparations et réemplois autour des déchèteries", indique-t-elle, comme le montrent certains exemples français (Besançon) ou étrangers (Belgique et Autriche). Pour encourager les éco-organismes et les collectivités territoriales à s’engager davantage dans cette direction, leur effort financier en faveur de la prévention, mesuré par un indicateur-clef de leurs tableaux de bord annuels, devrait s’appuyer sur une liste précise d’actions considérées comme relevant de la prévention, suggère le rapport.

Collecte : encore beaucoup de marges de progrès

Côté collecte, la Cour note "peu de progrès sur les enjeux prioritaires". "Une organisation de la collecte qui assure une politique réussie de réduction des déchets doit être adaptée à chaque territoire, rappelle-t-elle. Elle doit prendre en compte les besoins (notamment la fréquence de collecte), la densité de population et les autres particularités locales (rural/urbain dense, habitat collectif/habitat individuel, logement social). Elle doit aussi rechercher un équilibre optimal entre le coût et la qualité du service proposé." De plus, "la séparation des biodéchets (qui représentent encore un tiers des OMR), prévue par le code de l’environnement au plus tard au 31 décembre 2023, constitue un enjeu majeur pour limiter leurs coûts de traitement et utiliser leur capacité de valorisation.“ ”Pour les territoires fortement urbanisés avec une prédominance d’habitat collectif, la collecte séparée, malgré ses difficultés de mise en place et son coût, et le compostage partagé sont généralement considérés à ce stade comme des solutions pertinentes, estime la Cour. Réduire la fréquence des collectes d’OMR par ajout d’une collecte spécifique de biodéchets est expérimentée avec succès dans plusieurs territoires, comme en zone mixte, rurale et urbaine dans le Puy-de-Dôme ou en zone densément peuplée pour la ville de Milan.“ ”Les difficultés techniques, financières et sociales pour parvenir à un meilleur tri et à une valorisation des biodéchets devront être levées au cas par cas, en fonction des spécificités locales, aucune solution n’apparaissant uniformément applicable, ce qui explique que le législateur n’ait pas à ce jour préconisé une solution unique pour tous les territoires", admet la Cour. Pour les déchets relevant de la REP d’emballages, les EPCI restent chargés de la commercialisation des matières préparées pour être recyclées, sans toujours disposer des moyens techniques et humains pour l’optimiser, pointe le rapport. Alors que les matières revendues aux filières de recyclage se diversifient, augmentent en tonnage et subissent de fortes variations de cours, "les collectivités volontaires pourraient choisir de confier cette mission commerciale aux éco-organismes, sous la condition d’un suivi plus rigoureux des obligations qui leur sont fixées dans les cahiers des charges", propose la Cour.

Traitement des déchets : une coûteuse modernisation des équipements

Au stade du traitement, "une coûteuse modernisation“ est ”à entreprendre" souligne la Cour. L’augmentation continue de la dépense qui lui est consacrée (40% de la dépense totale du service public) va se poursuivre avec les investissements de modernisation, de mise aux normes et de recherche d’une taille critique des équipements, estime-t-elle. "Pour y faire face, les syndicats de traitement sont incités à se regrouper à une échelle départementale, voire supra-départementale“ mais ”la conclusion de partenariats à l’échelle de bassins géographiques très vastes, entre des acteurs aux profils et intérêts potentiellement divergents, n’est toutefois pas aisée", reconnaît la Cour. "De plus, les syndicats de traitement ne disposent pas toujours des capacités financières et techniques pour assurer la nécessaire modernisation de leurs installations", souligne-t-elle. Dans ce contexte, "les régions doivent jouer pleinement leur rôle de planificateur, d’animateur voire de financeur, afin de garantir la mise en œuvre effective des objectifs arrêtés dans leurs plans, soutient-elle. Cette implication régionale est nécessaire pour surmonter les difficultés d’amortissement et de bon dimensionnement des installations et pour assurer une répartition territoriale cohérente des équipements structurants."
Le rapport rappelle qu'"un chemin significatif reste à parcourir pour rejoindre les pays les plus avancés", comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves et atteindre les objectifs actuels de valorisation matière que la France s'est fixée (55% en 2020 et 65% en 2025, soit 21 points de plus que les dernières données disponibles). Pour atteindre ces objectifs en matière de recyclage des déchets, il faut donc selon la Cour "mieux mobiliser tous les leviers à disposition (…) au plan national et au plan local.“ ”Pour donner leur plein effet aux mesures d’élargissement du tri à la source (plastiques et bio déchets) et répondre à l’augmentation continue des flux collectés en déchèteries, des efforts d’adaptation très importants doivent être poursuivis tant sur les équipements de tri que sur les installations de valorisation de la matière organique (plateformes de compostage, unités de méthanisation)", souligne le rapport.

Accentuer les efforts sur les déchets plastiques

En outre, "davantage doit être fait (…) pour limiter drastiquement les déchets plastiques", qui, compte tenu de leurs "fortes externalités négatives sur l’environnement" et de la diversité de leur forme, posent des difficultés de traitement particulières. "La généralisation de la collecte en poubelle jaune de tous les déchets plastiques prévue pour la fin 2022 (extension des consignes de tri ou ECT) n’était réalisée qu’à 62% fin 2021", note le rapport. "Pour réduire l’impact environnemental de ce type de déchets, de nombreux programmes dotés de financements importants (plan de relance puis plan France 2030, stratégie 3R) sont déployés par l’État depuis 2021 afin de renforcer la filière française de recyclage, constate-t-il. En vue d’une meilleure cohérence de toutes ces actions, le plan national devrait comporter une partie consacrée aux enjeux industriels prioritaires, particulièrement la plasturgie et la valorisation énergétique."
Parallèlement, l’interdiction de l’enfouissement et de l’incinération des déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée a été instaurée en 2020 et s’applique désormais aux emballages plastiques, collectés séparément depuis janvier 2022. "Cette stratégie d’élimination de la mise en décharge, couplée avec l’application d’une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) fortement désincitative, devrait permettre d’améliorer notoirement les performances du recyclage en France, comme chez nos voisins (Pays-Bas, Autriche, Belgique, Allemagne) qui ont adopté ce type de mesure depuis les années 1990", pronostique la Cour.

Enfouissement : encore un effort...

Tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n’auront pas abouti à une réduction drastique des OMR, la Cour voit dans la valorisation énergétique des déchets non recyclés, grâce à la modernisation des installations, "l’alternative la plus crédible à l’enfouissement". Car si celui-ci recule, il occupe encore une trop grande place (21% du traitement des déchets) au regard des objectifs du code de l’environnement à l’horizon 2030 et, a fortiori, en comparaison des pays européens les plus performants en termes de recyclage, observe-t-elle.



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