L’Arrière-Cour : Quel est le premier enseignement de votre enquête ?
Lise Bourdeau-Lepage : Le confinement a eu un effet majeur sur la perception du niveau de bien-être par les Français. Sur une échelle de 1 à 10, ce niveau était en moyenne de 7,07 avant le confinement et de 5,6 pendant le confinement. Le niveau de « satisfaction de vie » est une donnée déclarative, dans laquelle chacun se détermine subjectivement en fonction de deux critères : hédoniste, c’est-à-dire la perception du plaisir, et eudémoniste, soit la correspondance avec les aspirations, le sens de la vie.
Le confinement a-t-il eu un effet ponctuellement dévastateur ou a-t-il agi comme le simple révélateur d’un mal-être, que celui-ci soit intégré ou dissimulé ?
Il a été vécu comme un choc qui a engendré une perte brutale et importante du niveau de bien-être. Il a également agi comme un révélateur, ou un accélérateur, de la prise de conscience de certains éléments. Les Français se sont interrogés sur l ’importance du milieu naturel et du monde végétal, sur le besoin de nature contrarié par le confinement . Près de 70% des Français estiment que cette crise changera quelque chose dans la prise en compte et la préservation de l’environnement. En ce sens, le confinement et la crise sanitaire ont opéré comme des catalyseurs.
Avez-vous observé des disparités géographiques dans ce cadre ?
En effet. Avant le confinement, le plus fort niveau de satisfaction de vie était déclaré en PACA, en Nouvelle-Aquitaine et en Auvergne-Rhône-Alpes, avec des valeurs supérieures ou égales à 7,25 ; le niveau le plus faible était perçu en Pays de la Loire, avec 6,54. Les trois régions les mieux classées avant le confinement ont enregistré des baisses parfois fortes et se retrouvent à peine autour de la moyenne du confinement. La chute, bien que générale, varie très fortement selon les régions, pouvant presque aller du simple ou double.
Niveau de bien-être avant le confinement | Niveau de bien-être au cours du confinement | Chute du niveau de bien-être | |
Auvergne-Rhône-Alpes | 7,25 | 5,60 | -1,65 |
Bourgogne-Franche-Comté | 7,16 | 5,18 | -1,97 |
Bretagne | 6,58 | 5,10 | -1,48 |
Centre-Val de Loire | 7,10 | 5,59 | -1,51 |
Grand Est | 7,08 | 6,08 | -1,00 |
Hauts-de-France | 7,12 | 5,55 | -1,57 |
Île-de-France | 6,91 | 5,67 | -1,24 |
Normandie | 6,80 | 5,75 | -1,05 |
Nouvelle-Aquitaine | 7,29 | 5,41 | -1,88 |
Occitanie | 7,19 | 5,62 | -1,57 |
Pays de la Loire | 6,54 | 5,44 | -1,10 |
Provence-Alpes-Côte d’Azur | 7,34 | 5,70 | -1,64 |
France métropolitaine | 7,07 | 5,60 | -1,47 |
Note : échelle de 1 à 10. |
À quoi tiennent ces différences territoriales dans l’évaluation de la perte de bien-être ?
Indépendamment du niveau de vie et du sentiment de bien-être perçu, tout le monde adapte ses attentes et ses frustrations au cadre de vie environnant, à ce qu’il pense pouvoir en obtenir. Paradoxalement, on aura ainsi plus ou moins le même ressenti dans un quartier aisé que dans un quartier moins aisé, parce que chacun met en œuvre un processus d’adaptation entre ses aspirations et ce qu’il sait pouvoir obtenir de la réalité dans laquelle il vit. Par exemple, le ressenti du bien-être s’est révélé corrélé à la relation avec le vivant, les plantes, les animaux de compagnie, et ce indépendamment du cadre de vie. En général, les plantes et les animaux domestiques sont un facteur de bien-être. Mais pendant le confinement, ceux qui devaient sortir leur animal de compagnie ont déclaré une baisse de bien-être plus forte que ceux qui n’en avaient pas, quel que soit le quartier de résidence.
C’est surprenant, et cela va à l’encontre des histoires qui ont circulé pendant cette période…
Peut-être les propriétaires étaient-ils inquiets pour la santé de leurs animaux. Ces personnes ont peut-être un rapport plus fort à la nature, et souffrent plus d’en être privés. Elles ont peut-être une conscience écologique plus affirmée. Or, la crise sanitaire a généré une éco-anxiété. Elle a interrogé chez tous le rapport au vivant, et ce rapport au vivant est différent pour ces personnes. C’est à rapprocher de la limite de déplacement à 1 km, qui a instauré une inégalité dans l’accès aux espaces de nature urbains ou extra-urbains.
Quels ont été les facteurs les plus déterminants dans la baisse de la perception du bien-être ?
Le rapport à la situation professionnelle pendant le confinement est central. Ce sont les travailleurs qui se sont rendus sur leur lieu de travail qui ont subi la plus forte détérioration, en déclarant une baisse de presque 2 points de leur niveau de bien-être. L’anxiété de la contamination pendant les déplacements ou sur leur lieu de travail, la peur de ramener le virus à la maison ont été dévastatrices. Ce sont en général des salariés qui exercent des métiers physiquement éprouvants. Leur utilité sociale est apparue de façon très importante, mais ils se sont sentis sacrifiés, mis en danger pour que la vie se maintienne. Ils étaient épuisés, et ce sont eux qui ont manifesté le plus de signes de dégradation de leur état de santé physique : ils ont ressenti davantage de fatigue, de migraines, de douleurs musculaires. Ils ont fait plus d’écarts alimentaires que les autres, ont déclaré dans une plus forte proportion boire plus que d’habitude.
Ce sont également les personnes qui ont les emplois les plus précaires…
Effectivement, ils étaient plus inquiets pour leur situation financière que les personnes qui ont télétravaillé. Ils ont déclaré plus de signes de détresse émotionnelle et plus de colère que les Français qui avaient une autre situation au regard de l’emploi. La perte de bien-être a été moindre pour ceux qui ont télétravaillé. Ce sont en général des cadres, des personnes exerçant des métiers du tertiaire, dotés d’une meilleure situation sociale. Pour ceux enfin qui n’avaient pas de travail ni avant ni pendant le confinement, le niveau de bien-être est resté assez proche de ce qu’il était avant le confinement. Par ailleurs, les personnes qui travaillent habituellement mais n’ont pas pu travailler ont signalé plus d’irritabilité et de tristesse que celles qui ont travaillé, à domicile ou sur leur lieu de travail. Et le type d’habitation a joué lui aussi : parmi ceux qui ne travaillaient pas, ceux qui n’avaient pas d’extérieur ont perçu plus négativement le confinement que ceux qui pouvaient sortir.
On imagine bien que le logement a été fondamental.
Bien sûr. Il faut d’abord rappeler qu’en France, une majorité de la population – presque 70% – réside dans un logement individuel avec jardin. Par ailleurs, presque tous les répondants sont restés dans leur logement habituel pendant le confinement (94%). Les personnes habitant une résidence avec jardin déclaraient avant le confinement un plus fort niveau de satisfaction de vie que celles qui logent en appartement. Le fait de disposer d’un extérieur a évidemment joué positivement pendant le confinement : la baisse du sentiment de bien-être a été plus forte chez les personnes en appartement que chez les personnes disposant d’un extérieur.
Quelle a été la perception du confinement par les urbains, majoritairement privés d’espace extérieur individuel ?
La crise a révélé les maux urbains que sont les inégalités sociales et le manque d’espace dans les appartements. Les moins aisés vivent dans de petits appartements. Il était impossible de s’en extraire, et ils ont ressenti une peine plus importante que d’autres franges de la population. En principe, le citadin vit en dehors de chez lui. C’est un animal particulier, qui a un instinct grégaire très fort. Or, pendant le confinement, tout ce qui fait le bonheur des villes n’existait plus. Le manque d’interaction, la distanciation ont fait que la « nourriture » même de la ville, qui est de mettre son pas dans le pas de l’autre, était impossible. Les villes ont conservé leur fonction de coordination de l’économie, des échanges, mais il n’y avait plus d’échange de connaissance ou de relations
L’annonce par les médias du déclenchement d’un exode urbain vous semble-t-elle fondée ?
Les tendances relevées dans les médias sont construites uniquement à partir de ceux dont la voix porte, ceux qui ont la parole, qui peuvent s’exprimer comme ils peuvent s’en aller. Je pense plutôt que certaines des personnes qui travaillent dans l’économie de la connaissance, et qui peuvent donc télétravailler, ont vécu le confinement comme l’accélérateur d’un choix qui avait déjà mûri auparavant. L’expérience du premier déconfinement semble plutôt accréditer un renforcement de la valeur de l’urbanité, du fait de vivre en ville : les urbains ont reprofité autant qu’ils le pouvaient des lieux de sociabilité présents en ville, des établissement culturels, des échanges. La question du devenir des villes est en fait économique. Les villes ne disparaîtront pas et ne se videront pas tant que les coûts des transports sont bas et permettent de circuler. Les métropoles ne s’amenuiseront qu’à partir du moment où la hausse du prix des transports n’autorisera plus la même facilité de circulation. On ne sait pas encore si un choc structurel va se produire, avec une fermeture des frontières, une hausse des tarifs douaniers et des coûts du transport. S’il devait se produire, la localisation de la production s’en trouverait profondément changée et les villes perdraient ainsi de leur attractivité. Pour l’instant, on ne sait pas.
À l’issue du premier confinement, et à la suite d’un télétravail qui demeure « la règle » pour certains, quelle est la perception de cette nouvelle forme de pratique professionnelle ?
Le télétravail est envisagé de façon plus favorable par ceux qui l’ont pratiqué et ceux qui ne travaillent pas en général Les répondants qui s’y déclarent favorables mentionnent d’abord la liberté qu’il procure, puis dans une proportion moindre la réduction du temps consacré au travail. Même s’il ne faudrait pas ajouter ces données l’une à l’autre, cela donne environ 42% de personnes globalement favorables au télétravail pendant le confinement. À l’inverse, d’autres estiment qu’il renforce l’isolement, qu’il engendre une confusion entre la maison et le bureau ou encore qu’il est trop stressant, qu’il augmente la charge de travail. Soit 58% des répondants qui n’y étaient pas favorables pendant le confinement. Il se trouve par ailleurs que le confinement a remis à l’honneur les échanges en face-à-face. Il est clair pour tous, employeurs et salariés, que la circulation de l’information se fait mieux lorsqu’on est à proximité les uns des autres. Le télétravail provoque une atomisation de la société, une destruction très importante de la socialisation. Celle-ci doit alors être compensée par des tiers-lieux, des « communs ». Il n’y a qu’à voir la vogue des jardins partagés, qui permettent de retrouver un lien social. Mais ces « communs » ne peuvent compenser la destruction du lien social qu’engendrerait un télétravail généralisé.
Outre le travail et le logement, y a-t-il eu d’autres différences structurantes dans la perception du bien-être pendant le confinement ?
Les femmes ont été plus touchées par le confinement mais essentiellement à l’aune de leur relation au travail, encore une fois. Celles qui ont travaillé à l’extérieur ont davantage perdu en bien-être que les hommes dans la même situation. La même différence vaut, dans une proportion moindre, entre les femmes et les hommes qui n’ont pas pu travailler pendant le confinement, et entre les femmes et les hommes qui ont télétravaillé. En revanche, les femmes qui sont en général sans travail ont moins perdu de bien-être que les hommes sans emploi. Mais on ne peut pas en dire plus, parce qu’on ne sait pas pourquoi.
L’âge a-t-il été lui aussi un facteur discriminant ?
La baisse de bien-être la plus importante a été déclarée par les plus âgés, la population la plus à risque au regard de la maladie, et dont les relations sociales reposent sur leur entourage et leurs activités de loisir, tous deux inaccessibles pendant le confinement. Ce sont ensuite les jeunes (25-34 ans) qui ont le plus souffert, notamment, mais pas exclusivement, dans leur activité professionnelle. Dans la relation au travail, ce qui compte, c’est essentiellement la relation sociale, l’utilité et la valorisation sociale, encore plus chez les jeunes. Parmi tous ceux qui se sont déplacés pour aller travailler, les 25-34 ans sont ceux qui ont perdu le plus de bien-être. Parmi les télétravailleurs, les 25-34 ans ont également perdu plus que les autres tranches d’âge. Probablement parce qu’ils ne se sentaient pas à l’aise, en raison du manque d’encadrement, du fait qu’ils ne pouvaient pas poser de questions. C’est la classe d’âge qui a l’instinct grégaire le plus fort, et le bât blesse particulièrement pour eux, encore aujourd’hui. Ce sont eux qui ressentent le plus fort sentiment d’isolement social. Il y a comme un renversement de perspective inédit : on sacrifie les jeunes pour sauver les plus âgés.
Certains ont même désigné « les jeunes » comme responsables de la deuxième vague…
Alors même que leur situation est très grave. Je suis très inquiète pour les enfants. Le port du masque a des effets sur les capacités cognitives. C’est d’ailleurs une clef de compréhension du « refus » du port du masque : ce serait une forme d’instinct de survie. La situation des étudiants est désastreuse pour le développement de leur vie sociale, affective, amoureuse, pour leur insertion sur le marché du travail, pour leurs études. Le report de la réouverture des universités est une catastrophe. Qui plus est, la crise et leur fermeture sont actuellement utilisées pour un passage en force vers un enseignement qui ressemblerait au business plan d’une salle de sport : le prix de l’abonnement augmente avec le niveau de service, selon qu’on utilise uniquement des machines, qu’on les utilise en suivant des cours virtuels, ou que l’on se paie un véritable coach en chair et en os. La loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui vient d’être votée transpose ce système dans l
On a beaucoup parlé du stress, pour les parents, de l’école à la maison.
Il faut nuancer. La présence d’enfants a pu être bénéfique ou au contraire aggraver la perte de bien-être, selon les situations. De manière générale, ce sont les personnes sans travail et sans enfants qui déclarent la plus forte baisse du bien-être ressenti : la présence d’enfants a donc eu une influence positive en maintenant un certain niveau de bien-être. Sur la scolarité des enfants, plus spécifiquement, le stress généré par le fait de devoir faire l’école à la maison a été relativement réduit, déclaré à un niveau de 4,6 sur une échelle de stress de 1 à 10. Il a été un peu plus marqué (4,9) chez ceux qui habitent un logement sans vue. Le rapport au travail a joué là aussi : la perte de bien-être a été plus importante pour les travailleurs à l’extérieur qui avaient des enfants à la maison. C’est réellement la catégorie de travailleurs pour lesquels le bien-être s’est le plus détérioré, entre le fait de devoir sortir travailler et celui de laisser leurs enfants à la maison. Pour les télétravailleurs, la présence d’enfants à la maison a aussi été un facteur aggravant de la perte de bien-être, mais dans une proportion moindre. La présence des enfants, généralement bénéfique, a donc été perçue plus négativement en relation à l’activité professionnelle, qu’elle entravait ou rendait moralement plus difficile, pour le travail à l’extérieur.
Quels ont été les autres enseignements révélateurs de l’enquête ?
La santé des Français a été mise en berne. Quelque 35% des personnes ont déclaré ressentir plus de fatigue, un quart plus de migraines, 44% plus d’insomnies, de réveils dans la nuit. Du côté émotionnel, 57% des répondants ont ressenti plus de tristesse, 43% plus d’irritabilité et 35% plus de colère. Pour ce qui est de l’état cognitif, un quart des répondants ont constaté des faiblesses d’attention, et un peu moins d’un tiers des difficultés de concentration. Cela varie aussi en fonction de la situation financière. Un quart des répondants déclarent être très inquiets quant à leur situation financière, et 13% sont même angoissés. Un répondant sur cinq a bu plus d’alcool, surtout parmi ceux qui habitent des appartements sans vue. Les écarts alimentaires, autre marqueur de la détresse psychologique, ont été mentionnés par 33% des répondants, mais par plus de 40% des répondants vivant dans un appartement sans vue.
La socialisation a elle aussi un effet sur la santé et, partant, sur le bien-être. Avant le confinement, 60% des répondants déclaraient ne jamais se sentir isolés. Ce nombre tombe à moins d’un tiers pendant le confinement. Les femmes déclarent se sentir plus isolées socialement que les hommes (37% contre 30% respectivement).
Les outils des technologies de l’information, les réseaux dits sociaux, le recours à l’internet ont-ils joué dans le sens d’un moindre sentiment d’isolement social ?
L’utilisation de ces outils ne réduit pas forcément le sentiment d’isolement social. Les discussions entre amis par cet intermédiaire, par exemple, réduisaient de façon plus importante le sentiment d’isolement social avant le confinement que pendant le confinement. Pendant le confinement, le recours plus fréquent à ces discussions, ne serait-ce qu’une fois de plus par semaine, a même accru le risque de se sentir isolés socialement. C’est plutôt la conservation de l’habitude et du rythme de ces discussions avec un réseau social déjà constitué avant le confinement, qui peut réduire le sentiment d’isolement, mais de façon légère, d’ailleurs. Et cela ne fonctionnait pas avec les parents, uniquement avec les amis.
Quels ont alors été les facteurs de réduction du sentiment d’isolement social ?
De façon majoritaire, la conservation d’une activité professionnelle fait baisser d’un tiers le risque de sentiment d’isolement, même en télétravail. La manifestation du soutien aux soignants a réduit de 13,5% le risque du sentiment d’isolement, de même qu’un nombre important de contacts quotidiens, ou l’intégration dans des réseaux professionnels ou de voisinage, les actions d’entraide et de solidarité. À l’autre bout de l’échelle, le facteur générant le plus de sentiment d’isolement est le fait de vivre seul, et encore davantage s’il est combiné avec le fait de vivre dans un logement sans vue. Cette dernière situation correspond pour 70% à des célibataires, avec une surreprésentation des 18-40 ans. Comme on l’a déjà mentionné, les autres facteurs qui ont aggravé le sentiment d’isolement étaient le fait d’être une femme et celui d’avoir un animal de compagnie à sortir.
Quels sont les facteurs qui, plus largement, ont joué positivement pour réduire la perte de bien-être ?
Le recensement des facteurs positifs n’est pas encore terminé. Les activités physiques, et notamment le yoga, la lecture, la pratique musicale ou celle d’un sport, ont eu un effet positif général. Dans un autre registre, le suivi d’un emploi du temps spécifique et respecté a souvent eu un effet positif en limitant les troubles de la santé mentale. Il faut également mentionner le temps de sommeil gagné par les Français : 12 minutes de plus par jour en moyenne, et 30 minutes pour les télétravailleurs. Ce gain de repos a aussi été bénéfique pour les personnes qui n’ont pas travaillé pendant le confinement alors qu’elles travaillent par ailleurs. Enfin, le fait de se sentir à l’abri chez soi a joué très positivement.
De manière générale, le confinement a-t-il fait évoluer notre rapport au bien-être, notre rapport au monde ?
Quelque 67% des Français pensent que la crise va changer notre manière de vivre, et 48% notre façon de travailler. Ce que nous percevons de notre cadre de vie extérieur, de notre environnement est important dans le ressenti du bien-être. Pendant le confinement, tout cela a été réduit au strict minimum. Cela pourrait entraîner une réévaluation de certains éléments qui nous entourent et qui semblaient acquis. Il y a notamment eu une prise de conscience de l’importance du vivant pour nous : le contact avec les espaces verts, la nature. Nous avons réalisé que nous avons besoin de la nature et du vivant pour vivre. Les atteintes à l’environnement, mises en évidence par la crise sanitaire, ont rejailli sur nous en boomerang. Les crises sanitaires ont toujours modifié le monde urbain ; nous ne mesurons pas encore quelles seront les conséquences de celles-ci. Le constat qui s’est également imposé, pendant le confinement, des inégalités des individus en termes de bien-être, a réinterrogé la notion de bien-être collectif. Nous avons identifié que nous avions besoin de l’autre. Le bien-être ou le mal-être individuel ou collectif ne sont pas des pièces détachées. Le bien-être personnel passe par le besoin de l’autre.
Propos recueillis par Maïa Rosenberger
(1) Lise Bourdeau-Lepage a notamment publié Nature en ville : Désirs & controverses (2017), Attractivité et compétitivité des territoires (2015), Grand Paris (2013), Ville & Santé (2014) et Évaluer les déterminants du bien-être sur un territoire (2018).
(2) L’étude, commencée pendant la deuxième semaine de confinement, a duré jusqu’au 10 mai au soir. L’échantillon est composé de 10.976 Français métropolitains âgés de plus de 18 ans, représentatifs de la population française en genre, en âge, en niveau d’études et en lieu de résidence.