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UCIL - L'Arrière-Cour : Le projet d’Arena OL-Asvel fissure la majorité écologiste au Grand Lyon.

Gérard Collomb tout sourire à l’heure de voler au secours de celui qui lui a piqué son trône. L’ancien président du Grand Lyon a semblé particulièrement goûter l’ironie de la délibération votée ce mardi matin, qui devrait aboutir à l’extension de l’empire OL à Décines. Une délibération entérinée par 104 voix sur 146, et qui ouvre la voie à la construction d’une salle de 12.000 à 15.000 places à quelques pas du Parc OL. Un projet à 100 millions d’euros, financé par le privé.

D’un point de vue technique, ce vote valide la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme et de l’habitat (PLU-H), transformant les quatre hectares dévolus au projet de zone à vocation industrielle en zone à vocation d’équipement. La chose ressemble à s’y méprendre aux fameux « grand projets Collomb » des mandatures précédentes, les soutiens aussi.

Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la culture des Verts, a voté contre, tout comme son groupe Lyon en commun, ainsi que ceux des communistes et de la France insoumise, pourtant partenaires de la majorité. Des poids lourds du nouvel exécutif comme Nathalie Georgel (abstention), Mathieu Vieira (contre) et Jean-Charles Kohlhaas n’ont pas soutenu le texte. « Il est sain que nous ne soyons pas tous d’accord », défend ce dernier. « Contrairement aux groupes politiques du passé, nous ne votons pas comme un seul homme. Chez les écologistes, on a le droit d’exprimer des doutes et des divergences. » Au point que Benjamin Badouard, coresponsable du groupe, s’abstienne, « pour représenter les positions de notre groupe qui était divisé sur le sujet », nous dit-il. Une simulation de vote avait même donné les « contre » gagnants, comme l’a écrit Rue89Lyon.

Aulas, Parker et Bret

Le principal enjeu de cette Arena est d’offrir au club de l’Asvel une salle suffisamment grande pour sa participation à l’Euroligue, la compétition reine du basket européen. C’est de ce désir qu’était né le rapprochement entre Tony Parker et Jean-Michel Aulas en 2019. Le patron de l’OL s’était engouffré dans la brèche de la défaillance du projet de salle multifonction portée par la municipalité de Villeurbanne et son ancien maire. Une brèche qu’il aurait lui-même créée, selon Jean-Paul Bret, qui n’a eu de cesse de vilipender l’alternative décinoise depuis. Le socialiste était ainsi monté au créneau en juin 2019, dénonçant « chantage » et « pressions » de Jean-Michel Aulas envers l’exploitant du projet villeurbannais (Live Nation), qui n’est autre que l’exploitant du parc OL. Et l’ex-élu villeurbannais de reprocher à David Kimelfeld son allégeance au patron de l’OL, pointant l’empressement de sa majorité à satisfaire ses exigences. « Le président d’OL Groupe propose, la Métropole s’exécute », taclait-il en juin 2019. « Je constate hélas que les choses n’ont pas changé », ajoutait ce mardi Idir Boumertit, pour le groupe Métropole insoumise.

Au pays merveilleux de l’OL

Car Bruno Bernard, s’il assure ne pas le porter dans son cœur, ne s’est pas opposé à ce projet hérité de ses prédécesseurs. « Nous n’avons pas vocation à nous opposer à des projets privés », a-t-il répété, se félicitant de parvenir à les « réorienter ». Ironie du sort : c’est sur les fameux terrains bradés par la puissance publique (40 euros le mètre carré) à sa Foncière du Montout que l’OL veut installer son Arena. Alors que les Verts n’avaient à l’époque pas eu de mots assez durs contre cette opération foncière et la construction du stade. Les terrains souillés de polluants industriels hérités de l’activité d’ABB devront être dépollués pour qu’à terme, cette salle bâtie face au Groupama Stadium vienne concrétiser le projet d’OL City, 60e ville de la métropole selon le rêve de Jean-Michel Aulas. Un pas de plus vers la réalisation de cette ambition, après le lancement de l’OL Vallée et l’installation prochaine de l’Académie Tsonga, et en attendant la construction des hôtels prévus dans le projet initial du Grand Stade.

« Dans quelques années, les Lyonnaises et les Lyonnais pourront se rendre en masse dans ce temple de l’entertainment, le porte-monnaie bien ouvert, pour permettre aux acteurs privés de se servir allègrement », a taclé Idir Boumertit dans une intervention très critique avant le vote. Il fait notamment référence aux activités de l’OL Vallée, entre parc d’aventure, mur d’escalade et surf indoor. « Un City Surf Park à 50 euros la demi-heure, ce n’est pas du sport pour tous », s’emportait le communiste Raphaël Debû dans la foulée. Cette interrogation sur la cherté des activités était partagée par les citoyens qui ont pris part à la concertation organisée de juillet à octobre.

« Pas ma culture »

Même l’adjointe à la culture du maire écologiste de Lyon a battu en brèche « un grand projet inutile » : « L’économie du spectacle n’est pas extensible à merci, et la prolifération des Zéniths et autres Arenas a ses limites », a-t-elle attaqué, pointant encore le risque d’uniformisation et de standardisation lié à l’exploitation par de grand groupes internationaux. L’élue de La Métropole en Commun s’interroge sur le modèle économique de telles salles à l’aune de la crise sanitaire. « Les grandes salles ne sont plus la poule aux œufs d’or à laquelle certains actionnaires ont bien voulu croire ces dernières années. Le risque étant qu’en compensation, les investisseurs demandent aux collectivités un soutien financier car il faudra bien nourrir la bête une fois qu’elle aura vu le jour. » Et l’ex-maire du 1er arrondissement de regretter les prix élevés pratiqués par les exploitants internationaux.

« Ce n’est pas la culture que je préfère », consent Bruno Bernard. « Mais cela répond à une demande de la population. » Une demande sensiblement similaire à celle qu’exploite la Halle Tony-Garnier, installation publique de 7.500 places, comme le rappelle Idir Boumertit. « Comment pourrions-nous accepter de favoriser l’émergence d’un acteur privé pour siphonner les 5 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel d’un équipement public ? »

Un tramway… en attendant le métro ?

Outre les rencontres d’Euroligue, cette Arena doit accueillir 80 à 120 manifestations par an, dont des séminaires sur un format 3.000 places. Plus d’une par semaine, donc, en sus des matchs de l’OL. Avec un risque de chevauchement le week-end. Le délai de 5 heures fixé entre chaque événement ne convainc pas les détracteurs du projet : « Tout juste le temps de vider un parking et d’en remplir un autre. » Cette question de la desserte est la plus prégnante dans la consultation, les riverains soulignant la congestion des axes est-lyonnais et la pollution induite. Un collectif d’habitants de Jonage s’est par ailleurs constitué contre le projet.

Pour Génération écologie, les engagements obtenus de l’OL par Béatrice Vessiller ne sont pas suffisants, notamment sur la réduction de l’impact carbone. « Ces garanties ne sont pas assez fermes », dénonce Hugo Dalby, qui a voté contre. « On nous parle de promotion des modes actifs (vélo, marche, etc., à l’inverse des modes de déplacement motorisés, NDLR) mais on ne sait pas quelle forme cela prendra, c’est du greenwashing. Et nous n’avons aucun chiffre sur le bilan carbone de la construction et de l’utilisation d’une telle structure. »

Pour l’heure, l’OL a obtenu la desserte quotidienne du secteur par la ligne de tramway T7, avec un arrêt dédié baptisé « OL Vallée ». Deux rames supplémentaires assurent une rotation tous les quarts d’heure vers le stade depuis le 2 novembre 2020, pour une augmentation de capacité de 25% selon le Sytral. Insuffisant, selon la maire de Décines, Laurence Fautra, qui en a profité pour plaider en faveur du prolongement du métro A. La délibération rappelle que cette hypothèse sera étudiée. De quoi raviver les souvenirs des 200 millions d’euros investis par la puissance publique pour réaliser les accès au Grand Stade… et les tensions en interne.

« Beaucoup sont encore marqués par le Grand Stade », confirme un élu influent du groupe écologiste. « Mais là, ça n’a rien à voir. C’est un projet 100% privé sur 4 hectares de terres industrielles, pas des dizaines de terres agricoles. »

Pas d’artificialisation supplémentaire, donc. Pour Jean-Charles Kohlhaas, ce projet d’Arena est de tout façon loin d’être bouclé. Son financement pourrait être remis en cause par la crise sanitaire économique, selon l’élu, « et il est hors de question que la Métropole mette un centime d’argent public ».

L’histoire retiendra en tout cas que la nouvelle majorité écologiste n’aura guère attendu pour étaler ses divisions publiquement en se fracturant sur le dossier de l’OL Land. Il est trop tôt pour dire si cette première anicroche est le signe d’une majorité politique qui tient ses promesses de « faire de la politique autrement », ou si cela remet en cause sa capacité à gouverner la Métropole sur le long terme.

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